L'Horizon by Fatty Gourmand - World Class Restaurants
L’Horizon, Chaumont-Gistoux, Septembre 2024 Je vous emmène aujourd’hui près de Louvain-la-Neuve, Wavre… Dans cette contrée étrange qu’on appelle LE BÉÉÉWÉ ! On a mis un gros 3/4h depuis Charleroi, c’est pas si long, pour arriver dans ce beau bâtiment perdu au milieu de la campagne brabançonne. Cela fait sept ans maintenant (2017) qu’Alexandre Ciriello a repris le restaurant familial et l’a transformé en un petit écrin gastronomique d’une quinzaine de couverts à peine, où les gastronomes sont accueillis dans cette salle unique aux hauts plafonds et poutres apparentes, très cozy et confortable.
Source: Fatty Gourmand - World Class Restaurants
L’excellent maître d’hôtel et sommelier Leny Michel (toujours superbement habillé) vous y accueille, avant que le chef lui-même ne vienne disposer devant vous des cartes à jouer style tarot, représentant les différents plats travaillés en ce moment. A vous de choisir et de les arranger en divers menus possibles, de 3 à 8 services, la taille des portions variant selon le programme commandé par le client.
Le repas est donc un voyage, symbolisé par le passeport et le boarding pass posés à table, et on vous propose simplement de choisir parmi les cartes représentant les plats proposés, les Pays et les Villes, les « étapes » gourmandes du repas, inspirées par les produits ou les préparations de diverses destinations de la planisphère. Le tout formera votre menu, de 3 à 8 services symbolisés par ces étapes du « voyage ».
Les mises en bouche arrivent entre-temps, apportées par la charmante et magnifique Veslava, maman du chef, un vrai « sourire ambulant » ravissant les clients tout du long de la soirée. D’abord cinq pièces « bouchées » travaillées et multicolores sur une barrette de faïence sculptée, dont un magnifique cannelloni croquant de « moules frites » et ensuite un petit chou croquant acidulé et épicé. Tout était excellent.
On démarre le menu par un hommage à un chef belge installé à Singapour, Emmanuel Stroobant, deux étoiles sur son restaurant leader, et qui popularise aussi dans son second établissement les moules frites, tout là-bas. Une belle rencontre pour le chef qui du coup lui fait un hommage sur base d’une superbe préparation intitulée « CLARKE QUAY À SINGAPOUR, COMCINCO ARRIVAL ». Des Moules, évidemment, avec un jus fermenté au vadouvan, myoga, kaffir, lait de coco. Servi dans un petit écrin de verre ciselé, c’était absolument délicieux et d’un niveau gastronomique super haut. Splendide. Bluffant.
Étape suivante : « COPENHAGUE, L'EFFERVESCENTE » : inspiré par la gastronomie nordique, de la Chair de tourteau, Hareng fumé, lait battu. Visuellement magnifique, le plat centré sur un lac de jus vert, et beaucoup de finesse en bouche. Une fort belle combinaison. En accord, un splendide riesling du grand vigneron Emrich Schönleber dans la Nahe (DE).
C’est intéressant de remarquer que la première entrée était chaude et la seconde froide ! Plus loin, nous irons de crustacés à viande puis à poisson ! Fabuleux !! C’est une excellente idée du chef que d’alterner ainsi les niveaux de fraîcheur et/ou de puissance.
Le sommelier Leny Michel propose une sélection au verre avec les plats du menu, fort bien conçue et apporte énormément d’explications sur les régions, les vignerons et les cuvées. Biodynamie et vins plus naturels ont enfin fait leur entrée, même si elle est discrète, à l’Horizon (y’a même du Lijsternest à la carte !!)
Notre voyage continue, et on atterrit à Bangkok mais un commando de pirates menés par un certain Commandant Broutchio nous détourne pour une étape surprise en Corée !! La police de Séoul nous libère, heureusement et nous soigne en nous servant un gyoza de Kimchi, « le » plat national coréen, ce chou blanc fermenté et épicé.
C’est une assiette que le chef est en train de mettre au point pour le menu suivant et nous servons donc de cobayes ! Mais contrairement à ces petits rongeurs (d’Inde ou de Guinée, ça dépend des langues), nous sommes totalement consentants ! Le plat est vraiment passionnant ; les gyozas en partie croustillants (sur le tiers grillé) et un peu collants (sur les deux faces cuites à la vapeur étouffée sous cloche) sont découpés et mêlés à un petit monde végétal de rubans de courgettes multicolores, baby concombres grillés, petits cornichons fermentés dans la maison, herbes et deux sauces, un beurre blanc au kimchi et vinaigré, devenu du coup « beurre orange », et une sorte d’huile au wasabi et soja. L’ensemble était merveilleux, un grand plat en devenir.
Le commando a été neutralisé et incarcéré par la police coréenne mais le Commandant a payé un potvin à l’inspecteur Mamoto Sékassé et s’est échappé en pédalo vers la Manchourie.
Mais on s’en fout et on reprend stoïquement notre voyage en buvant du saké et en chantant à tue-tête « Paulette la Reine des Paupiettes » à la grande surprise de l’équipage de Air Tokyo. L’avion se pose donc enfin à Okkaido ! Pas de geishas pour nous accueillir, mais une belle langoustine, amandes, aubergines et girolles nous offrent leurs corps ! Grillée à l’unilatéral au Sichirin (le barbecue japonais), encore nacrée et quasi crue d’un côté, saisie de l’autre (je l’ai retournée pour vous montrer), la superbe langoustine est relevée d’une émulsion mousseuse au curry vert et d’une bisque de carcasses juste ahurissante. La Crustacée Reine, la meilleure du monde à mon avis, est posée sur les aubergines coupées en petits morceaux, qui sont travaillées d’une manière merveilleuse ; d’abord confites au sel, pour ne pas perdre leur eau, elles sont mises dans une marinade de ponzu, avec de l’ail, vinaigre de champagne et graines de sésame. Le résultat est une aubergine devenue presque « viandeuse », acidulée, puissante, ce qui, combiné à la bisque mousseuse, était un délice profond. Orgasme. Grand grand niveau.
Étape un peu dangereuse ensuite, vu l’état du conflit, « LA FACE CACHÉE DE BEYROUTH » avec un beau Ris de veau ayant subi trois cuissons, poché au lait, puis grillé et enfin caramélisé. Avec cela, céleri-rave, éclats de papadam (moi je dis papadum mais je n’ai pas voulu les contrarier, qui sait, c’est peut être un code franc-maçon du Béwé) et une sauce succulente un peu sucrée, fruit de la passion, herbes, et feuilles de capucine donnant de l’amertume. Belle cuisson de ce beau produit, et c’était fort bon, malgré un léger manque de sel. La sauce enrobait l’ensemble de manière harmonieuse.
Le sommelier Leny nous propose aussi de goûter certains verres de l’accord boissons sans alcool. Une sorte de kefir maison aux fruits doux, et sur le riz de veau un café bio du Guatemala, qu’il infuse légèrement en compagnie de thym de leur jardin, et dont il adoucit légèrement l’amertume avec une tout petite pointe de mélasse sucrée spéciale (il m’a dit le nom mais j’ai oublié). C’est servi froid mais pas glacé dans un joli verre à pied filiforme.
Enfin dernier atterrissage annoncé, « LA BEAUTÉ DES CÔTES BRETONNES », autour d’un superbe Turbot de petit bateau, un beau tronçon parfaitement cuit enrobé d’une fleur de courgette, gel de chartreuse verte, beurre blanc métissé d’huile de tagète. C’était aussi bon que beau. Le turbot enrobé de la fleur de courgette jaune orangée sur la sauce crème et vert avait un rendu incroyable. Et c’était délicieux évidemment, et d’un équilibre parfait.
Le voyage se termine donc et s’apprêtait à prendre le TGV de Bretagne pour rentrer et patatra, voilà que le Commandant Broutchio, accompagné de 12 mercenaires pygmées menés par une certaine Béatrice, une amazone caractérielle de 1m42, nous retrouve et nous force, arme au poing, à sortie de la gare de Rennes !! Le renégat et rancunier terroriste nous transporte en camion-benne jusqu’à l’aéroport local où, on ne sait VRAIMENT PAS pourquoi, nous oblige à prendre un avion pour Athènes et ensuite un bateau de pêche pourri pour Corfou !!! Étape forcée en Grèce, donc, mais « pas hélas pour Hellas » car ce fut délicieux ! « AU CŒUR DES
OLIVIERS DE CORFOU » fut un dessert élégant et délicieux. Vanille, huile d'olive, yuzu, combinés en une crème glacée (sans œufs), une crème moelleuse moulée en bouée gourmande sur un jus de yuzu auquel le chef vient ajouter une huile d’olive d’exception, d’une acidité remarquable, « The Governor’s Olive Oil », qu’il a découverte lors d’un voyage à Corfou. Gras et citron, glace lactée, moelleux gourmand, et un contrôle du sucre très précis, composèrent cette belle réussite ! Quelques mignardises, une sorte de gaufrette entre macaron et « hostie sucrée » farcie de pâte de haricots rouges à la japonais, un beau cannelé et une belle praline au thé et à la lavande, furent la conclusion de ce beau voyage, mouvementé mais passionnant !!
En quelques années, on constate chez ce chef aussi ambitieux que talentueux une évolution tant constante que fantastique. C’est incompréhensible que GaultMillau ne lui donne encore qu’un 15 bien insuffisant, et surtout que Michelin ne lui ait pas encore accordé une étoile, bien méritée depuis quelques temps !
L’avenir sera radieux pour Alexandre Ciriello et son équipe, c’est sûr, une salle complète quasi tous les soirs en est le signe, dans une constellation étoilée nous l’espérons. Un grand Bravo ! Quelle belle table !!